Laisser les salariés fixer eux-mêmes le montant de leur salaire, c’est la méthode utilisée chez Lucca, un éditeur de logiciels.
Si la pratique fait débat, l’entreprise a su tirer profit de cette technique managériale pas comme les autres.
Chaque année, les ingénieurs, commerciaux et consultants de cette société participent au même rituel.
À condition d’avoir au minimum trois années d’ancienneté, chacun peut demander une augmentation et plaider sa cause lors d’une réunion avec ses collègues.
Mais attention, pas question d’exiger des prétentions exorbitantes : l’enveloppe globale est fixée en amont par les associés. Seule la répartition est laissée libre, au terme d’une procédure bien encadrée. « Chacun écrit sur un bout de papier son nom, son salaire actuel, le salaire espéré, et précise la somme exacte et le pourcentage d’augmentation que cela représente », indique Vincent Porcel, directeur du marketing.
Ces fiches sont lues à tour de rôle. Ensuite, c’est à chacun de convaincre les autres (patron compris), de la pertinence de sa proposition.
Un travail en toute transparence
« Les gens parlent de leurs performances durant l’année écoulée, de leurs responsabilités, ou des objectifs fixés. » Plus la réunion approche, plus les arguments s’affinent. « Ici, il n’y a pas de grille des salaires », explique Jean-Baptiste Beuzelin, analyste programmeur. « On se détermine par rapport à notre valeur sur le marché, ou aux salaires des managers qui occupaient notre poste auparavant. » S’il y a des objections à la demande, une discussion entre collègues, ou l’envoi d’un e-mail au responsable RH est toujours possible ».
C’est lors d’une seconde réunion que sont exposées ces éventuelles réserves. Pour que la transparence soit totale, un document envoyé à tous les collaborateurs répertorie la rémunération annuelle des 74 salariés, y compris celle du PDG.
Une culture d’entreprise forte
Ce dispositif instauré quelques années après la création de l’entreprise, semble aujourd’hui convenir aux équipes, comme à la direction. Le PDG de Lucca, Gilles Satgé, s’est inspiré du Brésilien Ricardo Semler, patron de Semco. Ce dernier est l’un des premiers à avoir laissé ses salariés choisir leurs rémunérations et leurs horaires. Pour Gilles Satgé, « cela permet de responsabiliser et de motiver. On remplace le conflit potentiel entre patron et salariés par une discussion entre collègues ». Même si, finalement, il se réserve le droit de trancher quand les rémunérations proposées ne sont pas suffisamment justifiées.
Dans une logique de transparence totale, le dirigeant français avoue que ses employés obtiennent un salaire un peu supérieur à ce qu’il aurait fixé s’il avait été seul à décider.
La fixation des salaires, prochain credo de l’entreprise libérée ? Selon Philippe Burger, associé chargé du capital humain chez Deloitte, une telle politique salariale implique « une culture et un mode de management en cohérence avec cette pratique. L’entreprise doit aussi avoir une parole libre et permettre la prise d’initiatives. »
Alors, prêt à expérimenter cette technique ?
Laurie. C