Encadrement de la durée du détachement, salaire égal, contrôles renforcés… Le 26 octobre prochain, le Parlement européen devra trancher sur la question des travailleurs détachés. Mais que prévoient ces mesures et cela aurait-il un impact sur votre activité ?

 

Qu’entend-on par « travailleurs détachés » ?

On nomme ainsi les employés exerçant leur activité de manière provisoire dans un autre état membre de l’Union européenne. Cette main-d’œuvre étrangère est soumise au respect du droit du travail de l’état hôte, mais demeure affiliée au régime de sécurité sociale de son pays d’origine.
L’intervention de ces travailleurs répond à un besoin précis, sur une tâche nécessitant des compétences (ou une main d’œuvre), dont ne dispose pas toujours l’état qui les emploie. Mais depuis quelques années, cette pratique dénoncée car elle favoriserait la concurrence déloyale et le dumping social.

 

Quelques chiffres

– En 2015, on comptait 2,05 millions de travailleurs détachés dans l’UE soit une augmentation de 41,3 % entre 2010 et 2015.

– La Pologne, l’Allemagne sont les deux nations qui envoient le plus grand nombre de travailleurs détachés, tandis que l’Allemagne, la France et la Belgique en accueillent la majeure partie.

– Plus de la moitié de ces détachements se produisent entre États membres voisins, pour une durée moyenne de 98 jours.

–Le secteur du bâtiment représente aujourd’hui plus de 27 % des entreprises en demande de main-d’œuvre.

 

Pourquoi la question de ces travailleurs pose-t-elle problème ?

Si pour les entreprises, ces employés sont un bon moyen de rester compétitif, cette main d’œuvre pose tout de même un problème d’ordre moral et économique.

En effet, ce statut de travailleur détaché permet à une entreprise française de ne payer que les charges sociales du salaire de référence du pays d’où provient ce travailleur.

Dans la pratique, cela revient à dire qu’un salarié polonais ne coûterait que 50 €/jour à la société, contre près de 80€ pour un salarié français. Une différence plus que notable et accentuée par une inégalité sur le montant des charges sociales.

Mais contrairement aux idées reçues, l’objectif du gouvernement n’est pas d’éradiquer cette pratique, car elle offre la possibilité à nos entreprises de produire à un moindre coût.

Il s’agit plutôt de mettre en place une réglementation plus stricte et mieux encadrée, afin que professionnels et travailleurs s’y retrouvent.

 

Ce qui risque de changer d’ici 2020

Le 23 octobre 2017, les États membres sont parvenus à un accord visant à mieux réglementer l’emploi des travailleurs détachés à travers l’Europe. En conclusion de ces débats, seuls quatre États se sont opposés à l’accord (Hongrie, Lettonie, Lituanie et Pologne), tandis que trois se sont abstenus (Croatie, Irlande et Royaume-Uni).

Un projet donc largement approuvé, donnant lieu aux mesures suivantes :

Mesure n° 1 : les travailleurs détachés devront recevoir un salaire équivalent à celui des salariés locaux (et non plus le simple salaire minimum).
En revanche, aucun changement en ce qui concerne les cotisations sociales du travailleur. Ces dernières restent celles de son pays d’origine et non celles du pays qui l’accueille. Autrement dit, bien que les salaires soient revus à la hausse, il sera toujours plus avantageux pour les entreprises françaises d’employer des travailleurs européens plutôt que des locaux, car les charges sociales resteront plus faibles.

Mesure n° 2 : Désormais, leur mission ne pourra pas excéder les 12 mois (et 6 mois supplémentaires dans certains cas de figure).

Mesure n° 3 : Le secteur des transports bénéficiera dans un premier temps d’un régime dérogatoire. En effet, l’Espagne et les pays de l’Est ont demandé à ce que les chauffeurs ne soient pas soumis aux futures dispositions, jugées pénalisantes pour le secteur. Un texte de loi spécifique à ce domaine d’activité devrait donc voir le jour dans les mois à venir.

Mesure n° 4 : Les travailleurs détachés pourront désormais prétendre aux différentes primes (13ème mois, prime de pénibilité…), au même titre qu’un travailleur local. Jusqu’ici, la directive de 1996 ne garantissait aux travailleurs que le salaire minimum dans le pays d’accueil.

 

Le récap

Les travailleurs détachés sont des employés européens, exerçant leur activité de manière provisoire dans un autre pays membre. Discrets, ils représentent tout de même près de 27% des emplois dans le bâtiment. Très appréciés par les entreprises, ils représentent une main-d’œuvre bon marché, toujours disponible et peu regardante sur les conditions de travail.

Mais d’ici 2 ans, les choses vont changer car la réglementation se durcit. Durée des missions, augmentation du salaire mensuel… Autant d’éléments qui risquent d’avoir des répercussions sur la compétitivité dans le milieu du bâtiment.

Mon conseil : Faites vos calculs de rentabilité avant d’embaucher du personnel et adaptez la difficulté des missions au niveau de qualification des équipes. Mieux vaut parfois embaucher une main-d’œuvre plus onéreuse, mais compétente, plutôt que des travailleurs inexpérimentés.

 

Laurie Charvon

Catégories : Artisans BTP

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